Commune de Chézery-Forens

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Histoire de la Commune

Du livre "Richesses touristiques et archéologiques du canton de Collonges" publié sous l’égide du Conseil Général de l’Ain en 1989 ISBN 2-907656-15-5 rédaction Alexandre Malgouverné.

Chézery et Forens sont des toponymes pré-médiévaux. Leur situation sur les bords d’un vieux chemin qui permettait de rejoindre Saint-Claude (Jura) et sur un point de passage de la rivière, milite en faveur de leur ancienneté. Quoiqu’il en soit, Chézery entre dans l’histoire en 1140 avec l’arrivée de douze moines sous la conduite de l’abbé Lambert. Autour de l’abbaye, des familles de paysans se regroupent et défrichent la vallée, multipliant les villages d’essarts.

La vallée de Chézery est une combe synclinale, enserrée entre les Monts Jura et le Crêt de Chalam, surcreusée par les glaciers quaternaires puis par l’érosion de la Valserine et de ses affluents. Malgré une belle exposition au sud, la vie montagnarde reste rude. Cependant, l’ingéniosité des habitants a permis une utilisation rationnelle et optimale de l’espace montagnard. Au Moyen Age, un système agro-pastoral, culture des céréales et élevage de troupeaux de moutons puis de vaches, permit à la population de survivre. L’ensemble des terres de la vallée étaient utilisées : aux environs des villages ou des écarts, sur les flancs de la vallée, les vergers, les terres labourées et quelques prairies ; au pied de la Montagne, les communaux, zones de pâture extensive pour les troupeaux ; plus haut en altitude, les prés de fauche, les " arpines " avec au milieu, les granges à foin ; puis au sommet de la montagne, les alpages : Lachat, les Montplats. Jusqu’au début du XIXe siècle, des cultures de céréales (orge) furent pratiquées en assolement dans les prés de fauche d’altitude. Les forêts de " fayards " (hêtres) occupaient les pentes raides, contribuant à la stabilité des sols et au chauffage des habitants. L’hiver, le paysan allait chercher le fourrage dans les granges d’altitude pour nourrir son bétail. Il utilisait un traîneau à bras. Les ruines d’un village d’altitude, retrouvées sous le Crêt des Frasses, témoignent peut-être d’un système plus ancien où gens et troupeaux se déplaçaient sur les sommets pendant la saison d’été, puis redescendaient dans la vallée l’hiver.

Un premier artisanat, lié à l’agriculture et contrôlé par les moines, s’établit le long de la Valserine et de ses affluents. (Plusieurs fois la Valserine a inondé le village). Plusieurs moulins à blé, battoirs à chanvre pressoirs à noix furent construits : deux moulins à Chézery, un moulin en haut de la Combe des Etrets, un moulin à Forens et un moulin à Magras.

Puis au XVIIIe siècle, les Chézerands, pour occuper les longs mois d’hiver se livrèrent au travail de l’horlogerie. Ils fabriquaient des mouvements de montres et allaient les vendre à Genève. Un temps, une verrerie s’établit vers le Corps de Garde, dans la Combe du Manant. Elle utilisait des sables siliceux qui apparaissent par endroit. En 1771, Voltaire acheta à M. Rerly, verrier de Chézery, 300 bouteilles, des verres, des sceaux et des pots à fleurs. Au XIXe siècle, le lapidaire remplaça l’horloger ; en 1907, la commune comptait 200 ouvriers qui se livraient à la taille des pierres de couleur. Une autre activité consistait, l’hiver, à partir peigner le chanvre avec les hommes des communes voisines. On partait loin, jusque dans la vallée du Rhin. Au début du XXe siècle, des mines d’asphalte à Forens connurent une existence éphémère. La richesse principale était la fabrication des fromages persillés (Bleu de Gex) ou de Gruyère (Comté).

La population de la vallée, liée au terroir par le système de la mainmorte qui exista jusqu’à la Révolution, vivait en vase clos. Les mariages endogamiques contribuèrent au développement d’une maladie héréditaire connue sous le nom de maladie de Rendu-Osler. Elle frappe indistinctement hommes ou femmes, à la naissance ou au fait
de la vie.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la population était trop nombreuse pour les possibilités de la vallée, aussi beaucoup de familles s’expatrièrent pour mieux vivre dans les régions voisines, Pays de Gex, Bugey, Bresse. A partir de 1850, l’exode rural contribua au déclin de la population. La construction du tramway Bellegarde-Chézery et les conséquences malheureuses de la première guerre mondiale achevèrent ce lent processus de désertification. Aujourd’hui, il est difficile pour la commune de maintenir des activités économiques diversifiées, de soutenir l’agriculture, de conforter les services existants : poste, gendarmerie, écoles, et d’entretenir les routes d’accès avec de faibles revenus. Alors, on se tourne vers des solutions de rechange, les sports d’hiver et le tourisme à Menthières, le projet de construire une micro-centrale sur la Valserine.

L’abbaye de Chézery : La tradition veut que ce soit le comte de Savoie Amédée III qui donna la vallée aux moines de Cîteaux, au milieu du XIIe siècle. Cependant, à la lecture du cartulaire de l’abbaye et de l’inventaire des archives établi au début du XVIIIe siècle, on constate une forte présence des comtes de Genevois et il est plus logique de voir le fondateur de Chézery en la personne du comte Amédée 1er de Genève. Les travaux de construction de l’église abbatiale commencèrent le 29 août 1140 ; sous le vocable de Notre Dame, elle fut consacrée le ler juin 1142. Pendant deux siècles, l’abbaye conforta les limites de son territoire avec ses voisins. En 1255 et 1258, deux accords avec Clémence, dame de Ballon et ses fils, Guillaume, Humbert et Guichard, fixèrent la limite sud depuis le Crêt de Sales jusqu’au village de Lancrans. En 1287, l’abbé et Humbert de Thoire-Villars se partagèrent les revenus par moitié dans la basse vallée de la Valserine et les hommes de l’abbé furent exemptés de l’impôt sur le marché de Ballon. En 1273, Jean de Ternier donna le pré de La Chaz sur Livron. En 1322, l’abbé de Saint-Claude céda à son voisin toutes les terres qui se situaient de part et d’autre de la Valserine, du ruisseau du Manant à la chapelle de Lélex, avec toute justice sur les hommes qui y habitaient. De plus, les troupeaux de Chézery pouvaient pâturer sur les terres de Saint-Claude. En 1329, les limites furent fixées entre le prieuré de Nantua et Chézery. La frontière suivait le ruisseau qui descendait du Crêt de Chalam par la Combe des Ramas puis reprenait les limites actuelles de la commune.

Les abbés de Chézery, dès le XIIe siècle, jouèrent le rôle de banquiers auprès des seigneurs du voisinage. Des prêts-ventes furent déguisés en donations de terres. Selon le système cistercien, des granges furent construites à une distance d’une journée de marche de l’abbaye, au milieu des terres reçues, ainsi à Villars-en-Bresse, à Geilles (Oyonnax), à Génissiat, à La Côte (Lancrans), à Grésin (Léaz), à Ravoire (Peron), à Suet (Sergy), à Aré (Crozet) dans le département de l’Ain et à Vuache (Chevrier), à Mirebel (Desingy) et à Peillonnex (Clarafond).

Dans le département de la Haute-Savoie. Les comtes de Genève, les vicomtes de Chaumont, les Arlod, les Chatillon de Michaille, les Ternier, les Sergy, les Folliet et les Rossillon soutenaient l’abbaye.

Les moines furent peut-être à l’origine du système de l’alpage. En 1173 et 1174, une querelle les opposa à la chartreuse d’Oujon (canton de Vaud, Suisse) : ces deux monastères se partageaient les droits d’alpage sur l’ensemble des Monts Jura. Chézery jouissait de droits nombreux depuis le Mont Sion jusqu’à Chaumont et depuis Valleiry jusqu’au Vuache, concédés par les comtes de Genevois. En 1263, frère Ponce, convers, était maître des ovins. En 1265, une grange fut établie au Vuache. Au pied du Crêt de Chalam, la grange des Merles mettait en valeur la Combe des Magras, les troupeaux paissaient jusqu’au Chalam. A partir du XIIIe siècle, l’abbaye entreprit de construire des moulins à Lélex, à Chézery, à Forens, à Confort, à La Côte, à Ballon, à Coupy, à Logras et à Peillonnex. Cependant, l’abbaye, en 1486, était dans un triste état. Les 8 religieux et les 4 novices qui résidaient à Chézery n’observaient pas la règle. On leur reprochait de cohabiter avec des femmes puisque celles-ci pouvaient pénétrer dans l’abbaye pour honorer Saint Roland. L’abbaye qui avait brûlé vingt ans plus tôt, tombait en ruines. En 1536, les troupes bernoises pillèrent l’abbaye et François 1er s’en plaignit auprès de la ville de Berne. De nouveau, en 1590, les Genevois incendièrent le couvent.

Le traité de Lyon, en 1601, divise la vallée en deux. Forens et le hameau de la Rivière deviennent français et sont rattachés au bailliage du Bugey. Le reste de la paroisse de Chézery est incorporé au couloir sarde, lieu de passage stratégique qui permet pendant un demi siècle aux Espagnols d’acheminer leurs troupes de l’Italie du Nord aux Pays-Bas. Après 1648, la vallée devient en quelque sorte une "zone franche" où prolifère la contrebande. La "zone franche" met la commune dans une situation spéciale vis à vis la situation douanière. Cette division subsiste jusqu’à la signature du traité de Turin en 1760 et vaudra aux deux villages de former, en 1790, deux communes distinctes, Forens et Chézery, la première incorporée au district de Nantua et la seconde à celui de Gex. L’abbaye se releva au XVIIe siècle, sous l’abbatiat de Laurent Scott, de 1629 à 1670. L’abbé général de Cîteaux avait fixé, en 1627, le nombre de religieux à 12 et avait ordonné que le tiers des revenus soit consacré aux réparations des bâtiments. A la fin du XVIIIe siècle, l’abbaye retomba dans son sommeil. Le ler septembre 1761, une bulle du pape Clément XIII unissait les biens de Chézery à la mense épiscopale d’Annecy. Deux parmi les derniers abbés, Jean-Nicolas Deschamp de Chaumont et Jean-Pierre Biord furent évêques de Genève-Annecy. En 1793, les Chézerands envahirent l’abbaye et les 4 derniers religieux n’eurent que le temps de s’enfuir. Les domaines furent vendus comme biens nationaux.